Semaine 50/18 – Suisse – TVA : gestion de fonds immobiliers

Par l’arrêt A-5044/2017 du 23 novembre, statuant sur un recours omisso medio (art. 83 al. 4 LTVA), le Tribunal administratif fédéral a renvoyé la cause à l’Administration fédérale des contributions, qui avait établi les faits de manière incomplète. Dans la mesure où le sens des considérants en est clair, cet arrêt garde tout son intérêt.

Le litige portait avant tout sur la question de savoir si la recourante, qui avait conclu des contrats de délégation de tâches pour l’exploitation de fonds immobiliers avec la société agissant comme direction des fonds, pouvait être considérée comme délégataire des tâches, à savoir comme mandataire de prestations de gestion. Dans l’affirmative, une exonération au sens impropre (art. 21 al. 2 ch. 19 let. f LTVA) des résultats litigieux serait appliquée.

L’essentiel des considérants se résume ainsi :

A/ Les rapports de droit privé qui peuvent être à la base des prestations n’ont en principe qu’une valeur d’indices et ne peuvent à elles seules justifier une qualification fiscale ; ce qui compte, ce n’est pas l’obligation légale ou contractuelle en vertu de laquelle les prestations sont échangées, mais le lien économique entre elles. L’appréciation économique l’emporte sur l’analyse de droit civil. De plus, il n’est pas nécessaire que la contreprestation soit exclusivement apportée par le destinataire de la prestation.

B/ Les prestations exclues du champ de l’impôt (exonérées au sens impropre) constituent une exception au principe de la généralité de l’impôt, de sorte que la liste de l’article 21 alinéa 2 LTVA ne peut être qu’exhaustive. Cette exclusion est déterminée exclusivement en fonction du contenu de la prestation, sans égard aux qualités du prestataire ou du destinataire, sous réserve de l’article 21 alinéa 4 en relation avec l’alinéa 2 LTVA.

C/ Les prestations préalables aux opérations « hors champ » (exonérées au sens impropre) restent imposables si elles ne sont pas elles-mêmes exonérées sur la base de l’article 21 alinéa 2 LTVA (opérations administratives ou toutes autres opératoires préparatoires, indépendantes des prestations exonérées, par opposition aux simples facturations où il convient de ne pas imposer des prestations exonérées qui sont simplement refacturées).

D/ En présence d’une pluralité de prestations à un seul bénéficiaire, il convient de déterminer s’il faut leur appliquer un traitement fiscal unique ou s’il faut traiter chaque prestation séparément. Lorsqu’il s’agit d’un ensemble de prestations formant un tout, elles suivent le même traitement TVA (opérations complexes – art. 19 al. 3 et 4 LTVA ou combinaisons de prestations – art. 19 al. 2 LTVA). La détermination se fait par une approche économique, en priorité du point de vue du destinataire.

Le raisonnement est en cascade :

– Les prestations sont-elles par essence liées l’une à l’autre, donc indissociables (objectivement, temporellement et économiquement) ? Dans l’affirmative, le même traitement leur est alors appliqué.

– Les opérations complexes peuvent être traitées fiscalement de la même manière si elles forment entre elles un rapport de prestations principale et accessoire (art. 19 al. 4 LTVA). Pour cela, il est nécessaire que la prestation accessoire soit secondaire à la principale, mais qu’elle demeure néanmoins étroitement liée à elle. Le rapport de valeur n’est pas déterminant.

– Plusieurs prestations ne tombant ni dans l’une ni dans l’autre des catégories ci-dessus peuvent également être traitées uniformément si l’une d’elles représente 70% au minimum de la contreprestation (il s’agit de combinaison de prestations, art. 19 al. 2 LTVA). L’ensemble des prestations doit être fourni moyennant une contreprestation globale.

E/ Pour ce qui est plus précisément des questions de droit relatives à la notion de gestion de placements collectifs :

– Pour la notion d’administration au sens étroit, il convient de se référer à l’arrêt du Tribunal administratif fédéral A-704/2013 du 28 novembre 2013.

– La gestion de placements collectifs de capitaux comprend non seulement les tâches incombant aux directions de fonds et aux banques dépositaires, mais aussi celles du gestionnaire de placements collectifs selon les articles 18 ss LPCC. L’activité de gestion peut être limitée par le champ d’activité de la direction du fonds, de la banque dépositaire et du mandataire, dont les droits et les obligations sont définis dans la LPCC et le règlement de fonds, alors que les prestations fournies par d’autres personnes ne sont pas comprises dans cette activité de gestion et sont donc imposables.

– Selon l’Administration fédérale des contributions, pour être exonérées, les prestations fournies doivent être des « activités typique de gestion de fonds de placement collectif de capitaux », interprétation que le Tribunal administratif fédéral endosse.

– Ainsi, le terme de gestion a plutôt un sens large et on peut l’interpréter au regard de la LPCC, sans oublier d’examiner la prestation de gestion selon son contenu.

– L’absence de qualification d’une délégation en tant que mandat au sens des articles 394 ss CO ne permet pas d’exclure ipso facto l’exonération invoquée en l’espèce. La question essentielle étant de savoir quelle tâche est déléguée, il n’est pas suffisant de se fonder sur la qualification de droit privé du contrat.

– La recourante insistait essentiellement sur les tâches relatives aux services financiers, comptables et juridiques, mais elle ne fournissait que peu de détails quant aux aspects factuels pertinents, ce qui a conduit au renvoi de la cause à l’instance précédente.