Semaine 50/18 – Suisse – Provision fiscale pour une créance compensatoire pénale ; principe de la déterminance

Une société peut-elle, en cours de procédure de taxation (c’est-à-dire avant que la décision n’entre en force), créer une provision, fiscalement déductible, pour une créance compensatoire au sens de l’article 71 CP dont elle a été rendue codébitrice en raison de corruption active d’agents publics suisses selon l’article 322ter CP, commise par son fondateur et membre du conseil d’administration ? Cette question est au centre de l’arrêt C_102/2018 que le Tribunal fédéral a rendu le 15 novembre.

Il a d’abord jugé qu’une telle provision peut être constituée pour cette créance de l’Etat, à la différence de celles résultant d’amendes, et cela d’autant plus que la charge encourue est en relation avec des revenus réalisés.

À la question de savoir si une telle provision pouvait être incluse en 2016, alors que la cause en remontait à 2009, le tribunal a répondu par l’affirmative en rappelant que les corrections du bilan peuvent être effectuées, sans porter atteinte au principe de la déterminance, aussi longtemps que la taxation n’est pas entrée en force, ce qui était le cas d’espèce.

Enfin, le tribunal a admis la totalité de la créance en provision quand bien même par la suite il y avait un espoir de la voir réduite.

Cela pour le droit matériel.

Au plan formel, le Tribunal fédéral a rappelé, une fois de plus, le champ de ses compétences, à savoir qu’il :

– applique librement le droit fédéral (interne, international et intercantonal), y compris la LHID lorsque les cantons ne disposent d’aucune latitude législative ou n’ont pas légiféré,

– ne peut revoir le droit cantonal, mais seulement statuer sur les atteintes éventuelles au droit fédéral par son application. À cet égard, il limite son examen à la violation des droits constitutionnels et en particulier de l’interdiction d’arbitraire.