Semaine 28/17 – Suisse – Délai de prescription de la créance en remboursement des rétrocessions et point de départ de ce délai

Les questions de la prescription de la créance en remboursement des rétrocessions (constituées en l’espèce de parts de primes d’assurance payées au mandataire) et de son point de départ étaient au centre de l’arrêt 4A_508/2016 du Tribunal fédéral du 16 juin, un arrêt de principe mettant un terme à des années de controverses doctrinales et d’incertitudes juridiques.

Le tribunal a commencé par rappeler que l’obligation de restitution des rétrocessions se fonde sur l’article 400 alinéa 1 CO, qui prévoit que le mandataire est tenu, à la demande du mandant, de lui rendre en tout temps compte de sa gestion et de lui restituer tout ce qu’il a reçu de ce chef, à quelque titre que ce soit. Cette disposition vise notamment les avantages indirects reçus de tiers dans le cadre de l’exécution du mandat (c’est-à-dire qui lui sont intrinsèquement liés car le mandataire accomplit ou suscite certains actes de gestion), tels que les rabais, provisions, pots-de-vin, ristournes, commission d’état et rétrocessions.

Le tribunal a ensuite retenu que la créance en remboursement des rétrocessions se prescrit par dix ans, en application de l’article 127 CO. Selon lui, les rétrocessions ne rentrent pas dans le champ d’application des redevances périodiques de l’article 128 chiffre 1 CO, qui se prescrivent par cinq ans, car il ne s’agit pas de prestations convenues à l’avance entre le mandant et le mandataire, dont ce dernier est tenu à époques régulières en vertu d’un rapport de durée et qui prennent naissance de manière nouvelle et indépendante au cours de cette durée. Le devoir de restitution découle en effet du simple fait que le mandataire a perçu des avantages. Il repose donc sur un fondement séparé. La qualification des rétrocessions dans la relation entre le mandataire et le tiers est à cet égard sans pertinence. A noter que l’Obergericht du canton de Zurich avait déjà retenu la prescription décennale de la créance en restitution des rétrocessions dans son arrêt du 13 janvier 2012, mais en vertu de l’unité des relations découlant du mandat.

Le tribunal a encore retenu que les rétrocessions étant soumises au délai de prescription absolu de dix ans, la question de la connaissance par le mandant-créancier de l’existence de ces rétrocessions ne joue aucun rôle.

Sur la question du dies a quo, le tribunal a jugé que la réception par le mandataire des rétrocessions fait naître son obligation d’informer le mandant et de lui restituer ces avantages. Partant, la réception de chaque montant rétrocédé fait naître une créance en restitution du mandant et l’exigibilité de celle-ci. Le tribunal s’est fondé sur le fait qu’aux termes de l’article 130 alinéa 1 CO, la prescription court dès que la créance est exigible, et que l’obligation de rendre compte constitue la condition et le fondement de l’obligation de restituer. Il n’y a donc pas lieu d’admettre que la naissance et, partant, l’exigibilité de toutes ces créances soient, en raison de leur nature, reportées à la fin du contrat de mandat ou au moment de la reddition de compte.

Le tribunal a donc partiellement confirmé les décisions du Tribunal de première instance et de la Cour de justice de Genève, qui avait tous deux admis un délai de prescription de dix ans, mais courant dès la fin du mandat.