Semaine 51/16 – Suisse – Retrait par des clients étrangers fiscalement « non conformes » dans leur pays de résidence de leurs avoirs des banques suisses (suite)

Par son arrêt ACJC/1585/2016 du 2 décembre, la Cour de Justice du canton de Genève a rejeté le recours déposé contre l’arrêt du Tribunal de Première Instance du 19 février, confirmant ainsi le jugement qui avait déclaré illégal le blocage par la banque des avoirs du client qui souhaitait les transférer sur un compte dans un pays autre que celui de sa résidence, au motif de sa non-conformité fiscale présumée (voir notre blog semaine 9/16).

La Cour rejette un à un les arguments de l’appelante et confirme que :

– Le client d’une banque en Suisse a le droit d’obtenir, sur la base des normes de droit civil applicables, la restitution de ses avoirs en espèces à la fin de la relation contractuelle, sans avoir préalablement à justifier de sa conformité fiscale (arrêts du Tribunal fédéral 4A_168/2015 et 4A_170/2015 du 28 octobre 2015) ;

– A supposer qu’une clause des conditions générales permettant à la banque de n’exécuter les transferts de fonds que sur un compte nominatif de l’ayant droit économique auprès d’une banque en France soit valable, une telle restriction ne peut s’appliquer à la restitution des avoirs confiés, laquelle ne saurait être réduite à une simple opération de transfert ;

– En l’absence de nouvelles dispositions légales prévoyant l’obligation explicite de respecter le droit étranger, ou plus particulièrement faisant interdiction aux banques suisses de transférer vers une autre banque dont la conformité fiscale ne serait pas établie, l’impossibilité subséquente de l’article 119 alinéa 1 CO n’est pas avérée. Même à admettre l’existence de risques pour la banque d’être poursuivie pénalement par les autorités françaises, les infractions invoquées, à supposer qu’elles doivent être considérées comme réalisées, auraient déjà été consommées par l’appelante durant la relation bancaire ;

– A supposer que les instructions de transfert du client visent à éviter la régularisation de sa situation fiscale en France, elles ne sont pas contraires au droit suisse et le mandataire ne peut dès lors pas se libérer de son obligation d’exécution posée à l’article 397 alinéa 1 CO ;

– Compte tenu de la position très restrictive de la jurisprudence et de la doctrine, il n’y a pas lieu de considérer que les dispositions du droit pénal français sanctionnant le blanchiment et/ou la fraude fiscale peuvent produire un effet sur la relation entre les parties par le biais de l’article 19 LDIP (prise en considération de dispositions impératives du droit étranger) ;

– L’exception tirée de la clausula rebus sic stantibus  n’est pas fondée: les législations suisse et française n’ont subi aucune modification essentielle depuis l’ouverture de la relation bancaire. Le durcissement de la pratique des autorités françaises, même à supposer l’applicabilité des dispositions françaises invoquées sur le territoire suisse, ne saurait constituer une modification extraordinaire non prévisible justifiant l’intervention du juge dans le cadre du rapport contractuel liant les parties ;

– L’intérêt de l’intimé à récupérer l’argent confié à la banque par un versement dans le pays de son choix, ne constitue en rien un abus de droit selon l’article 2 alinéa 2 CC.